Comme toutes nos autres habitudes, notre façon de faire les courses alimentaires et de manger est un peu chamboulée en cette période : pas de cantine, pas de restaurant, pas de marché et plus forcément l’accès à nos commerces habituels, sur le chemin du travail par exemple. A l’inverse, c’est aussi l’occasion de (re)découvrir des produits et producteurs locaux, de prendre le temps de cuisiner et de mieux connaître les solutions “circuits courts” de nos quartiers.

Cette impression est confirmée par le Réseau Mixte Technologique “Alimentation locale”, un groupement de centres de recherche qui a lancé dès le début du confinement une grande enquête participative : “Manger au temps du coronavirus”. Le RMT note ainsi que certains modes de consommation se sont modifiés :

  • Les déplacements pour s’approvisionner sont réduits (on cuisine les stocks, le contenu du congélateur ou des placards, on produit dans son jardin, on cueille…) Des ruptures de certains produits comme la farine témoignent de nouvelles habitudes culinaires (faire son pain, des gâteaux…) ;
  • On se concentre sur “l’hyperlocal” : on achète au plus près de chez soi, pour se déplacer le moins possible ou par solidarité avec les producteurs locaux. On évite les supermarchés, en raison à la fois du risque de contamination perçu comme accru, de choix éthiques, et de la possibilité qu’offre la vente directe à la ferme de “prendre l’air” (occasion de sortie et moindre risque perçu de contamination) ;
  • Pour beaucoup de participants à l’enquête, les produits locaux sont considérés comme “sains et sûrs”, certains avouant même une prise de conscience sur l’intérêt des AMAP et autres circuits de proximité…

(Pour obtenir les éléments de l’enquête, téléchargez les “bulletins de partage” régulièrement publiés sur le site du RMT)

En temps normal, les circuits courts ne comptent que pour 15% de l’approvisionnement alimentaire du pays. A l’inverse, dans les entreprises du Grenade, l’approvisionnement en circuits courts est un des piliers de nos fonctionnements. Cela recoupe les valeurs écologiques et sociales que nous défendons : en termes de pollution liée au transport, de gaspillage alimentaire, de juste rémunération du travail agricole et artisanal, etc.

Cette prise de conscience liée aux circonstances amène à une forte augmentation de la demande… qui ne rencontre pas forcément d’offre suffisante ! Au-delà de la production, c’est la logistique et la distribution qui doivent être réorganisées. Ainsi, les producteurs qui vendent habituellement en circuits courts aux restaurants ou sur les marchés ont trouvé, pour certains, des débouchés locaux avec la vente à la ferme ou des organisations locales nouvelles. Par exemple, l’association “les paniers du Pangolin” créée à Boffres en Ardèche a permis à de nombreux producteurs locaux de remplacer les marchés sur lesquels ils vendaient dans l’agglomération valentinoise par une vente directe à quelques kilomètres de chez eux. Pour les autres, c’est plus compliqué : il faut trouver le temps de réorganiser son circuit de vente, tout en assurant les plantations pour les récoltes suivantes.

Si cette “relocalisation” des achats alimentaires est plutôt une bonne nouvelle pour les producteurs et les consommateurs situés en milieu rural, cela peut représenter en revanche une difficulté pour l’approvisionnement des grandes agglomérations urbaines, comme celle de Lyon. Les collectivités organisent ou se font le relais de certaines initiatives pour faciliter l’accès aux produits frais et locaux, comme les villes de Lyon et Bron. Sur sa plateforme d’entraide pour la période du confinement, la Métropole de Lyon a mis en ligne un répertoire plus étoffé des solutions dans la section “plan courses, manger local”.

Enfin, les associations Belle Bouffe et Zéro Déchet Lyon ont créé une carte “Manger local à Lyon durant le Covid” très complète. On y trouve :

  • des abonnements à des paniers comme avec la coopérative Alter-Conso (légumes, fruits, pain, œufs, fromages…) qui propose un mois d’essai et accueille de nouveaux adhérents
  • des magasins de produits locaux comme Lell à Villeurbanne ou l’épicerie De l’Autre Côté de la Rue dans le 3ème (commandes à retirer sur place, magasin ouvert ou livraisons selon les cas)
  • des solutions de commandes en ligne avec livraison à domicile ou point de collecte avec drive (piéton ou voiture)
  • les jours et lieux des quelques marchés de l’agglomération qui sont maintenus sous une forme réduite

Cette crise met à jour la fragilité d’un système dépendant très fortement de circuits longs. L’autonomie alimentaire de la métropole de Lyon est de 5%, c’est à dire que seulement 5% de l’alimentation des habitant.e.s est produite dans un périmètre de 50km autour de Lyon. Cette période souligne aussi une grande inégalité territoriale puisque dans certains quartiers de l’agglomération, les habitant.e.s font face à une vraie difficulté à s’approvisionner en produits frais, au point de parler de “désert alimentaire”… un comble quand on connaît la richesse maraîchère du bassin lyonnais ! L’appel “Nourrir Lyon, autrement, localement, solidairement” a été lancé à David Kimelfeld, président de la Métropole et propose la création d’un “Marché d’Intérêt Métropolitain” qui constituerait un début de réponse à cette situation. Retrouvez l’intégralité de l’appel et la possibilité de signer ici.