Et parlons de “gouvernement interne” plutôt que de “gouvernance”.

Le terme “politique” dans son usage le plus commun aujourd’hui désigne l’ensemble des institutions et des personnes qui délibèrent et décident des règles qui régissent notre système juridique, social, pénal. La politique, l’action étatique, la participation citoyenne, tout cela relèverait de la sphère “publique”, alors que les entreprises dans lesquelles nous travaillons opèreraient selon des logiques différentes : des logiques privées, économiques, de marché. Tout comme la famille, une autre sphère encore, considérée elle aussi comme privée, mais avec une dimension intime et confidentielle supplémentaire. 

Nous voilà, nous individus, à jouer entre les multiples identités que nous endossons en fonction de la sphère dans laquelle nous opérons, tour à tour salarié·es, citoyen·nes, parents… Nous voyons cependant de toute part des exemples de la porosité de ces sphères aux logiques soit disant distinctes, et cela est de plus en plus reconnu. 

Il est désormais assez clair que l’État n’obéit pas à une seule rationalité politique liée à la recherche du bien commun. Que les entreprises ne sont pas régies par les seules lois de la rationalité économique et ne vivent pas en dehors du reste du monde. Qu’une famille fonctionne selon un modèle économique spécifique, tout en étant le lieu de l’intime où se jouent des enjeux politiques et sociaux cruciaux.

Aujourd’hui en tant que citoyen·nes, nous apprenons l’histoire de notre système politique, la force des valeurs démocratiques, l’importance du droit de vote, de l’égalité en droits et en devoir des citoyen·nes… Qu’apprenons-nous en tant que salarié·es ? Dès la signature du contrat de travail, nous abdiquons notre liberté citoyenne et acceptons de nous soumettre à des lois édictées par des personnes que nous n’avons pas élues et qui n’ont potentiellement jamais mis un pied dans l’entreprise ni touché un outil de travail. Nous laissons également de côté le principe d’égalité, acceptant des différences de droits entre les salarié·es et les actionnaires de l’entreprise.

L’idée que l’entreprise répond à une rationalité économique et l’État à une rationalité politique, et que le politique et l’économique sont deux sphères distinctes, se voit invalidée de toute part. 

Et pourtant, elle a été tellement assénée et ancrée dans les esprits qu’aujourd’hui cela est acceptable de considérer que lorsque nous sommes au travail (ce qui constitue tout de même une part non négligeable de notre temps !), n’étant plus dans la sphère publique, nous n’avons plus à interroger le système de gouvernement politique qui régit l’institution de l’entreprise.

Or l’entreprise est une entité éminemment politique

  • elle est régie par des institutions, elle est le lieu de pouvoirs, 
  • des législateurs votent les lois qui cadrent la vie des citoyens de l’entreprise, les salarié·es.

Les entreprises sont bien nommées “sociétés” dans le droit, ce n’est pas un hasard. La dimension politique de l’entreprise n’est pas seulement dans son impact et son interaction avec la société “extérieure”, elle est aussi présente dans tout son gouvernement interne.

Alors lorsque nous parlons de gouvernance pour décrire la façon dont les parties prenantes d’une organisation mettent en place des instances et des modalités de prises de décision, ne serait-ce pas persister, en utilisant un langage spécifique, à ne pas considérer clairement l’entreprise comme une entité politique ? 

La volonté du Grenade est de remettre la dimension politique du gouvernement de l’entreprise au cœur de l’action et de la réflexion. Et d’interroger le système politique que nous souhaitons pour nos entreprises. 

Autrement dit : en postulant que le régime démocratique est le “pire des systèmes, à l’exception de tous les autres” (W. Churchill), comment le met-on en application dans nos institutions de travail ? Il ne suffit pas de décréter que le pouvoir appartient aux salarié·es pour valider le caractère démocratique de nos organisations, même si c’est évidemment une révolution par rapport aux sociétés (entreprises) capitalistes (dans le sens où le pouvoir est donné aux apporteur·euses de capitaux). 

Il faut interroger comment, dans notre façon de travailler, de discuter, de décider, d’informer, de former, nous rendons tangibles les principes démocratiques d’égalité, de souveraineté, de liberté.

En reprenant la main sur cette réflexion dans nos entreprises, cela nous mène évidemment à penser au-delà des limites de l’entreprise, pour réinterroger la façon dont nous pouvons nous situer comme acteur·ice de la société au sens large.

Pour aborder ces questions passionnantes et de façon concrète, dans votre organisation, le Grenade peut mener auprès de votre équipe une prestation de conseil ou une formation sur le thème de “l’organisation démocratique au travail”. Contactez-nous : polepresta@le-grenade.fr ou 07 69 50 60 22.

Et pour aller plus loin, on vous recommande chaudement la lecture de la bande dessinée Hé Patron ! Pour une révolution dans l’entreprise (image en une) de Isabelle Ferreras, Team Endicott, Miranda Richmond Mouillot, éditions du Seuil, 2023, ainsi que le visionnage de cette video : https://www.youtube.com/watch?v=_x3BrDTLcvs