Ci-dessus : les 4 fondateurs de la SCOP central Vapeur, accompagnés par le Grenade durant les 3 années de montage du projet.

Depuis 2016, le Grenade accompagne la création et le développement d’activités porteuses de sens pour les hommes et femmes qui y travaillent mais aussi pour la société et l’avenir de la planète. Depuis 2018, au-delà de la création d’une dizaine d’entreprises de proximité ayant rejoint le groupement, ce sont près d’une centaine d’entrepreneurs et entrepreneuses qui ont été accompagné·es dans le lancement de leurs activités, ainsi que plus de 250 personnes dans le développement de leurs actions et organisations. Cet accompagnement s’incarne dans des actions de formation ou dans la conception d’interventions sur-mesure.

De la nécessité d’être accompagné·e 

Ce soutien est plus que jamais nécessaire : depuis 3 ans, en raison des multiples crises qui ont durablement affecté certains secteurs d’activités, les entrepreneurs·euses ont plus de difficultés à bâtir des modèles économiques pérennes et des plans de financement solides. Dans le seul secteur de la restauration, l’année 2024 représente un record de défaillances d’entreprises (+13% par rapport à 2023), rendant les investisseurs bien plus frileux qu’auparavant.

Dans ces conditions, l’expertise du Grenade est un levier précieux pour surmonter les freins à l’entrepreneuriat engagé. Pourtant, depuis ce début d’année 2025, le Grenade observe un raidissement des acteurs publics sur le financement de l’accompagnement et de la formation, mettant sérieusement en question la possibilité, pour des créateurs, des salarié·es ou des gérant·es d’activités, de se faire accompagner dans ce parcours du combattant qu’est l’entrepreneuriat.

Tiphaine et Simon, les gérant·es de la SCOP Auberge de Léoncel, accompagnés par le Grenade en janvier 2024.

Hold Up sur le CPF

Le mois de février a été marqué par la mise en œuvre du Projet de Loi de Finances 2025 supprimant l’éligibilité au Compte Personnel de Formation (CPF) de formations à la création d’activité non-certifiantes. Autrement dit, les crédits de formation que tout salarié·e cumule au cours de sa carrière ne sont désormais plus disponibles pour financer une formation sur la création d’activité, à moins que celle-ci ne délivre une certification au stagiaire. Or, pour une petite activité de formation telle que celle du Grenade, l’organisation de formations certifiantes représente un investissement en temps de travail et en moyens financiers très lourd.

Sous couvert d’améliorer la qualité des formations financées par les fonds publics, l’Etat souhaite tout simplement réduire le nombre des prestataires de formation. De notre point de vue, ce sont bien évidemment aussi les entrepreneur·euses qui en pâtissent : la possibilité de mobiliser ses crédits CPF pour financer une formation était un vrai soulagement pour des personnes qui sont souvent en transitions dans leur parcours professionnel et n’ont pas les moyens financiers de lancer leur activité tout en payant directement une action de formation. 

De la même façon, France Travail durcit en 2025 ses conditions de prise en charge de formations pour les demandeurs d’emploi : seules des formations aux métiers en tension sont éligibles et auprès de DE n’ayant pas le niveau Bac.

Ces changements sont un vrai coup dur pour le Grenade : ces prises en charges financières représentent, selon les années, entre 25% et 65% des ressources de la coopérative issues de la formation.

La Tablée, cantine solidaire accompagnée par le Grenade en 2024 dans le cadre d’un DLA.

Le DLA réduit sa voilure en Auvergne-Rhône-Alpes

À peu près au même moment, la Région Auvergne-Rhône-Alpes fait savoir qu’elle supprime son soutien financier à un certain nombre d’acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire, pour finalement revenir en partie sur sa décision. Les Dispositifs Locaux d’Accompagnement (DLA), cependant, restent affectés par cette réduction de moyens. Ils offrent aux structures employeuses de l’ESS la possibilité de solliciter gratuitement l’accompagnement d’une structure consultante, dans le cas du développement de l’activité ou, au contraire, de difficultés. 

Au cours des 3 dernières années, ces dispositifs ont permis au Grenade d’accompagner plusieurs associations et coopératives sur la gouvernance collective ou le pilotage économique et financier, permettant la pérennisation (voire le développement) de nombreux emplois porteurs de sens. 

Cette “attaque en règle” de l’ESS dans la région Auvergne-Rhône-Alpes n’est que le reflet exacerbé du climat instauré par l’Etat sur le plan national : les lois de finances 2025 adoptées sans vote représentent un “risque majeur pour l’économie sociale et solidaire”, comme le souligne l’UDES. 186 000 emplois seraient menacés à terme, d’après les estimations de l’union des employeurs de l’ESS.

Et les OPCO dans tout ça…?

Last but not least, les difficultés s’accumulent depuis le début de l’année du côté des OPCO, les fameux “opérateurs de compétences”, notamment en charge de la gestion des fonds de formation que les entreprises de moins de 50 salarié·es peuvent solliciter tout au long de l’année pour former leurs équipes. Lors du montage d’une action de formation, un employeur peut réaliser une demande de prise en charge financière auprès de son OPCO référent (il en existe 11 ayant en charge différentes branches et secteurs d’activités) : selon les règles de l’OPCO concerné, les fonds disponibles et la situation de l’entreprise, ces financements peuvent aller de 45% à 100% du coût total de la formation. 

Stage “Organiser la démocratie au travail” Septembre 2024
Formation à la gouvernance collective pour le programme “Prémices” – Juin 2024

Chaque année, ces organismes repensent leurs règles de financement en fonction des enveloppes disponibles. Le temps de fixer ces règles, toute étude de dossier est suspendue sur une durée plus ou moins longue, pouvant aller jusqu’à 2 mois. Lorsqu’enfin les règles de prises en charge sont connues, les demandes sont étudiées selon un délai moyen d’un mois. Puis, vers la fin d’année civile, les fonds peuvent de nouveau se tarir et les demandes de financements être rejetées. En 2024 par exemple, l’OPCO de la branche restauration – AKTO – annonçait vers la mi-octobre que les fonds disponibles pour la branche restauration avaient tous été consommés. 

Cette année en avril, AKTO déclare avoir subi une attaque sur son site internet empêchant tout dépôt ou étude de demande financière. Cette situation a duré près d’un mois, pour finalement aboutir à une autre annonce : AKTO gèle tous financements d’actions de formation, dans l’attente d’une décision de l’Etat sur les budgets alloués.

Des décisions incompréhensibles dans un contexte très préoccupant

Cette situation globale dénote une tendance lourde liée à la raréfaction des fonds publics sur des sujets pourtant essentiels tels que la formation tout au long de la vie, le développement de l’activité économique et l’entrepreneuriat engagé. Lorsque s’ajoutent à cela des problématiques administratives et techniques, le contexte devient clairement problématique pour un organisme de formation tel que le Grenade.

Alors que notre SCIC a fortement augmenté depuis 2 ans le chiffre d’affaires lié à ses formations et prestations de conseil, pour alléger le poids financier qui pèse sur ses membres, ses efforts risquent d’être réduits à néant par des mesures d’austérité budgétaire, incompréhensibles dans un climat de crise généralisée. 

Si nous croyons, plus que jamais, en la nécessité d’encourager l’entrepreneuriat collectif, démocratique et résilient, il nous est de plus en plus compliqué d’accompagner correctement les femmes et les hommes qui décident de se lancer dans cette voie, pourtant salutaire et nécessaire.