Deux natifs du Royans se lancent dans l’entrepreneuriat coopératif
En début d’année, le Grenade a eu le plaisir de rencontrer et d’accompagner Tiphaine Lemaire et Simon Fages, 2 entrepreneurs drômois. Leur projet ? Reprendre en SCOP l’Auberge de Léoncel, un café-restaurant situé dans un petit village du Vercors nommé… Léoncel. (Vous suivez ?)
Après plusieurs mois de fermeture, l’Auberge a réouvert ses portes le 20 mai 2024. Tiphaine nous raconte les démarrages : “On a eu droit à un vrai baptême le premier jour !” En effet, après plusieurs mois de fermeture, un changement de propriétaires, de statut et quelques travaux, l’Auberge a de nouveau accueilli des client·es le jour de la Pentecôte. Or, à Léoncel, c’est aussi le jour de la “fête du sel”, une tradition locale liée à la transhumance des troupeaux (oui, car on se situe dans un village de moyenne montagne : vous suivez toujours ?).
Le lieu a donc été investi par pas mal d’habitant·es de la commune, de gens du coin, mais aussi des promeneurs et des curieux. “C’était super ! raconte Tiphaine. Évidemment, tout n’était pas encore calé le premier jour, mais les clients ont été très compréhensifs. Et tout le monde était ravi de ce qu’il y avait dans l’assiette.”
Depuis la réouverture, Tiphaine et Simon ont eu pas mal d’occasions de discuter avec les habitant·es de leur projet : “On a la volonté de bien expliquer notre démarche, la politique d’approvisionnement, le projet en SCOP… et cela semble être bien compris et apprécié par les clients·es, notamment les locaux.” De fait, beaucoup s’intéressent au projet coopératif et militant, derrière la reprise de ce lieu emblématique du village. “Simon et moi sommes du Royans. On voulait ouvrir sur le territoire un lieu convivial, avec une cuisine réconfortante et gourmande qui fasse honneur aux bons produits du coin.”
Crédits photo : Réseau Initiative Sud Grésivaudan Royans Vercors
Faire honneur aux producteurs et aux produits locaux
Ayant tous les deux travaillé dans le secteur de l’alimentation, Simon en tant que cuisinier-boucher-charcutier et Tiphaine dans le tourisme, la gestion et l’administration, les 2 entrepreneurs avaient déjà un bon carnet d’adresses pour établir une carte locale, de saison et en très grande partie bio. “C’est un projet qui fait vivre les gens d’ici : les visiteurs y semblent sensibles. On leur explique que cela a d’énormes implications : par exemple, pour la viande, on se fournit en direct auprès de l’éleveur. On récupère une carcasse entière qu’on doit conditionner, préparer, découper et cuisiner nous-mêmes. C’est un gros travail, mais cela fait une vraie différence de qualité dans l’assiette ! Et c’est ce qu’on souhaite.”
L’autre changement par rapport à ce qui existait précédemment, c’est le statut de l’entreprise, aujourd’hui une SCOP. Un statut évident pour Simon et Tiphaine qui souhaitent d’ailleurs instaurer avec leurs futurs salariés-associés une gouvernance collective horizontale. “Ayant travaillé dans des organisations très différentes, nous tenions beaucoup à ce statut pour toute sa dimension politique et pour le mode de fonctionnement qu’il implique.”
Bien s’entourer pour avancer efficacement, gagner en compétences et en crédibilité
Lorsqu’ils évoquaient ensemble des potentiels lieux où ils se verraient ouvrir, Simon et Tiphaine tombaient d’accord sur l’Auberge de Léoncel : “C’est un lieu pouvant accueillir du monde, surtout l’été avec les différentes terrasses. Dans un cadre extraordinaire, où l’on y accueille tout l’été beaucoup de promeneurs, des cyclistes, des parapentistes, des touristes…” Alors lorsque l’occasion s’est présentée de reprendre l’auberge, Simon et Tiphaine n’ont pas hésité longtemps. Malgré tout, ils ont rapidement souhaité être accompagnés sur la phase entrepreneuriale et se sont tournés vers le Grenade. “On avait de l’expérience dans nos domaines respectifs, mais aucune sur la reprise d’un lieu et la création d’une entreprise coopérative. En plus, on avait une contrainte de temps : on voulait être opérationnel pour la reprise de la saison au printemps. Ce lieu est si vivant pour le village, on ne voulait pas risquer de perdre la clientèle habituelle de l’Auberge à cause d’une trop longue période de fermeture.”
Prévisionnels économiques et organisation du travail
Le Grenade les a donc épaulés dans la construction des prévisionnels économiques et dans le montage du plan de financements, ainsi que sur la future organisation du travail au sein de la structure. Durant 28 heures en décembre et janvier, Julie et Maïa, salariées du Grenade, ont accompagné le duo de repreneurs sur le modèle économique et la gouvernance collective : “Ça a été une force incroyable d’avoir l’expertise du Grenade et ses contacts. Et si on n’avait pas eu nos rendez-vous réguliers et nos échéances ensemble, nous nous serions probablement fait déborder.”
Tiphaine a particulièrement apprécié le travail réalisé avec Maïa, permettant d’identifier les principaux postes dans la future organisation en partant de la réalité du travail. “Ça nous a permis de nous structurer très efficacement. C’était très cadrant, et c’est vrai de l’ensemble de l’accompagnement d’ailleurs : sans être barbantes ou rabat-joies, Julie et Maïa nous ont alertés sur certaines limites à venir. On a pu ramener certaines ambitions qu’on avait aux réalités du terrain.”
Cultiver la confiance et prendre soin de soi, pour garder le cap
Est-ce que Tiphaine a un conseil pour celles et ceux qui souhaiteraient se lancer dans l’entreprenariat ? “Oui : ne pas s’oublier et avoir confiance en ses choix. Les premières semaines, tu travailles 7 jours sur 7, mais il faut garder du temps pour soi car sinon ça ne tient pas dans la durée. Et puis, il faut s’entourer ! Avoir des points d’appuis, des gens qui ont de l’expérience… Nous, ça nous a confirmé qu’on faisait les bons choix. Car tu auras souvent des personnes qui te donneront leurs avis et des conseils qui te feront douter. C’est très déstabilisant. Finalement, quand t’as les retours de ta clientèle et de ton équipe, tu sais que tu ne fais pas ça pour rien. C’est la meilleure des récompenses.”
Et c’est tout ce qu’on souhaite à l’Auberge de léoncel cet été : la meilleure des récompenses !