Dernier venu dans la famille grenadienne, le bar-restaurant le Central Vapeur achève bientôt ses travaux pour ouvrir ses portes le 23 juillet à Crest. Héloïse Mor, la gérante de la scop, explique ce que sera ce nouveau lieu drômois, tout en revenant sur les 3 années de gestation de ce beau “bébé”, accompagnées par le Grenade.
Crédit photo Une : Initiative Vallée de la Drôme et du Diois
Peux-tu nous présenter ce que sera le futur Central Vapeur ?
Héloïse : Le Central vapeur est un projet de bar-resto, autogéré et en circuit court, accompagné par le Grenade. L’idée est de proposer un lieu qui manque selon nous à Crest : un endroit qui fasse à la fois bar et restaurant, où tu peux manger et rester tard le soir, où tu peux traîner un peu après le repas, terminer de boire ta bouteille de vin nature, etc. Félix, l’associé qui ouvre le lieu avec moi, rêve d’ouvrir le lieu qui lui a manqué dans sa jeunesse !
Le Central Vapeur sera donc ouvert de 10h à minuit, du mardi au samedi : on fera bar et café à tout moment sur cette plage horaire.
Côté restaurant, on aura 2 offres distinctes : le midi, une offre plutôt de type “brasserie”. Des plats simples, bien connus mais légèrement “twistés”, modifiés. Des choses faciles à envoyer et rapides pour les travailleurs de Crest ou pour les touristes de passage entre deux visites ! Le soir : une offre d’assiettes à partager, pour accompagner un apéro entre amis, ou pour un repas type “entrée-plat-dessert”.
En plus du bar-restaurant, on aura une offre culturelle puisqu’on proposera deux concerts par mois et des expositions qui changent tous les 2-3 mois.
Notre ligne directrice, c’est l’accessibilité. Ça nous tient vraiment à cœur. On ne va pas se payer beaucoup, ça nous paraît évident de créer un lieu dans lequel on aimerait être client·es ! On veut que tout le monde soit le·la bienvenu·e et puisse consommer selon ses moyens. La question des revenus ne doit pas être une barrière pour qu’un groupe d’ami·es vienne se détendre chez nous.
Pour le restaurant, il y aura toujours des petites choses pas très chères et des choses plus folles et plus onéreuses. Pour le bar, c’est pareil : par exemple, un premier prix de vin nature du coin, à 2,5 euros le verre, et à côté des propositions plus extravagantes et donc plus chères, vendues à la bouteille.
L’accessibilité est notre ligne directrice : on veut que tout le monde se sente bienvenu·e et puisse consommer selon ses moyens.
Il n’y aurait pas de projet, s’il n’y avait pas le Grenade, et notamment l’un de ses membres fondateurs : le Court-Circuit.
Comment est née l’idée du Central Vapeur ?
Héloïse : Il n’y aurait pas de projet s’il n’y avait pas le Grenade et notamment l’un de ses membres fondateurs, le Court-Circuit. J’ai travaillé pour ce bar-resto lyonnais pendant 6 ans et demi. Avant ça, je n’avais jamais servi une seule bière, ni travaillé dans la restauration ! Donc j’ai tout appris du métier là-bas. Ce lieu est une entreprise coopérative autogérée : on s’y forme donc aussi à la gestion d’entreprise. Je suis même devenue cogérante de la scop durant 2 ans.
Par ailleurs, en travaillant au Court-Circuit, j’ai rencontré Félix Liorit qui est cuisinier. On est devenus amis. Lui était originaire de Crest, moi je rêvais de m’installer dans la Drôme, et pendant 3 ans, on évoque en rigolant l’idée de monter un truc ensemble là-bas. Un jour, c’est une autre personne du Grenade, Rami Dahdah (cogérant de la brasserie La Machine) qui m’appelle pour me parler d’un lieu à Crest. L’endroit allait être acheté et rénové par des propriétaires qui voulaient y installer un bar-restaurant. Je suis allée visiter, puis j’ai tout de suite appelé Félix pour lui demander si c’était une blague toutes ces années où on parlait de monter un truc ensemble. “Bien sûr que non !” Sa réponse était claire, alors on s’est lancés.
Comment vous êtes-vous lancés tous les deux dans cette aventure ?
Héloïse : Déjà, on a osé grâce à notre expérience professionnelle dans une Scop autogérée où il y a de la polyvalence. Moi j’avais appris mon métier de serveuse, mais j’ai aussi vu tous les aspects de gestion d’un bar-restaurant en coopérative. Donc déjà le système de coopérative autogérée du Grenade m’a permis de monter en compétences là-dessus.
De son côté, Félix avait monté une petite entreprise pour une activité éphémère avec sa compagne. Mais je ne suis pas sûre qu’on se serait lancés dans quelque chose d’aussi gros, si on n’avait pas vu nos autres ami·es du Court-Circuit et du Bieristan monter des coopératives accompagnées par le Grenade. Donc l’accompagnement offert par le Grenade nous a donné la confiance pour tenter l’aventure. Savoir que le Grenade allait nous soutenir, nous donner des outils, nous guider dans les étapes du montage du projet… ça nous a aidé à faire le saut dans l’inconnu, très clairement.
Et aujourd’hui, vous êtes 4 associé·es : qui sont les 2 autres, en plus de Félix et toi ?
Héloïse : En plus de Felix en cuisine et moi qui suis serveuse, il y a Maxime Dumont et Baptiste Fageolles qui nous ont rejoints il y a 7 mois. Maxime vient aussi du Court-Circuit. Au départ, il est cuisinier, il a commencé la cuisine à 15 ans. Mais depuis quelques années, il se consacre au service, tout en apportant un coup de main en cuisine quand c’est nécessaire. Il nous rejoint pour faire exactement cela ! Il s’occupera aussi de notre comptabilité. Et le 4e larron, c’est Baptiste Fageolles qui habite à Crest depuis 2 ans. C’est un ancien ingénieur, reconverti en cuisine depuis quelques années. Il a créé sa micro-entreprise pour faire des prestations de cuisine sur des événements, des festivals, des stages, etc. Donc il viendra étoffer l’équipe cuisine et s’occupera des RH avec moi. On cherche toujours un·e cuistot·e pour l’ouverture, pour nous donner un coup de main sur la saison estivale.
Quel sera l’esprit de la cuisine à l’ouverture ?
Héloïse : Les deux cuistots actuels, Félix et Baptiste, partagent cette idée de faire de la cuisine réconfortante et généreuse. Ils aiment qu’il y ait de la quantité, et parfois du gras, du croustillant, etc. Mais ils sont aussi friands de petits détails qui surprennent : des condiments, des sauces, des herbes. Ce sera l’esprit du midi : une offre de type “brasserie” avec une touche d’originalité. Et le soir, il y aura une dizaine de choses à l’assiette : avec toujours, des grignotages à quelques euros, des tartinades, un houmous maison, des crackers maison… et des choses beaucoup plus folles sur lesquelles les cuisiniers se lâchent, par exemple une viande hyper travaillée en basse température, etc. Sur ces plats-là, il y aura moins de limite de prix. Et toujours, avec des produits locaux de grande qualité.
Justement, vous avez beaucoup travaillé votre politique d’approvisionnements. Tu peux nous en parler ?
H : On va travailler quasi exclusivement avec les producteurs du coin car la vallée de la Drôme regorge de producteurs bio ! Il y a des bières artisanales à foison, des maraîchers, des coopératives de producteurs de viande, de fromage… pas besoin d’aller chercher très loin.
En fait, on a pris le temps avec l’équipe de faire une espèce de charte, nous permettant de choisir les producteurs. On a vraiment balayé tous les types de produits qu’on allait servir dans le lieu et, pour chacun d’eux, on a défini ce qui était important pour nous, nos critères de choix. On a mis du temps pour se mettre d’accord dans l’équipe, car on avait des visions différentes : pour certains, les labels ne sont pas importants, ça ne dit rien du travail du producteur. Pour moi qui ai travaillé en bureau d’étude, ça veut dire quelque chose, ça donne une indication. Évidemment les labels ne sont pas la panacée, mais ça reste un repère. Donc on s’est mis d’accord sur le label bio pour la plupart des produits. Mais si quelqu’un n’a pas le label, ça n’est pas rédhibitoire pour autant : la qualité du travail, la relation de confiance, tout ça joue aussi.
On a également travaillé sur des critères d’éthique dans le travail : on a envie de privilégier des entreprises artisanales, des coopératives ou des entreprises avec une forme d’autogestion. Si on a le choix entre deux producteurs, on privilégiera ça. Pour les produits qui ne sont pas locaux, on travaille avec des producteurs labellisés commerce équitable. Il est hors de question qu’on soit attentifs ici à nos conditions de travail et qu’on exploite des personnes à l’autre bout de la planète !
Comme on va être en direct avec les producteurs pour la plupart de nos produits, il faut aussi que ce soit facile, côté livraisons. Enfin, la qualité de la relation est un critère légitime pour accepter ou refuser de travailler avec un producteur. Avoir cette discussion-là tous les quatre a été extrêmement fédérateur. C’est un bon moyen de s’accorder sur des aspects essentiels du projet.
On a passé du temps sur nos critères de choix des producteurs. (…) Avoir cette discussion tous les 4, ça permet de se mettre d’accord sur des aspects essentiels du projet.
Quand on va voir les banques et partenaires financiers, (…) on est accompagné·es par 70 personnes et 8 entreprises, membres d’un groupement. Clairement, sur cet aspect, le Grenade est une force.
Vous êtes accompagné·es par le Grenade depuis octobre 2021, soit depuis le début de votre travail sur le projet quasiment. En quoi a consisté cet accompagnement ?
H : Comme je le disais, le Grenade nous a permis de franchir le pas, de nous sentir légitimes à se lancer. Ça nous a donné aussi une crédibilité auprès de nombreux organismes. Quand on va voir les banques et partenaires financiers, on n’est pas seulement là en tant que “Felix et Héloïse, porteurs d’un projet de bar-restaurant”. On arrive avec toute l’expérience acquise dans un lieu du Grenade, une entreprise coopérative où on a appris la gestion, où on a été chef·fes d’entreprise – sans l’être seul·e bien sûr – et on est accompagné·es par 70 personnes et 8 entreprises membres d’un groupement. Clairement sur cet aspect, le Grenade est une force.
Ensuite, il y a eu plein d’étapes-clés dans l’accompagnement : je pense à la construction du prévisionnel par exemple. On a utilisé l’outil de l’Urscop, mais pour le remplir, l’aide du Grenade a été extrêmement précieuse. L’accès aux infos des autres entreprises a aussi été très utile : on peut trouver des chiffres précis, des factures, pour se projeter sur les charges externes, sur les rémunérations du personnel, les achats, etc. On a aussi eu un soutien précieux sur la campagne de souscription de titres participatifs. On avait malheureusement peu de capital à apporter dans l’entreprise, il nous fallait trouver des personnes désireuses d’investir avec nous dans la scop. L’équipe du Grenade nous a aidés à bâtir un document de communication, à construire une stratégie de campagne, etc. On a aussi une entreprise membre, la brasserie la Machine, qui a pris des titres. Même si on est amis, le réseau du Grenade joue clairement.
Et le Grenade a animé un séminaire d’équipe en novembre dernier qui a permis de constituer votre équipe de 4 associé·es. Comment cela s’est passé ?
H : Oui, au moment où on est passés de 2 – donc Félix et moi qui avions travaillé sur le projet durant un an et demi – à 4 – avec Baptiste et Maxime – on avait cet enjeu d’intégrer 2 nouveaux venus et de fédérer autour du projet. Félix et moi, on se connait bien, on a travaillé ensemble, on a une vision claire du projet, on sait l’offre qu’on veut avoir, où on veut aller, etc. Alors quand on recrute 2 personnes, comment fait-on pour leur transmettre tout ça ? Comment faire pour qu’ils comprennent le projet aussi bien que nous et assez vite ? Comment se mettre d’accord sur ce qu’il y a à faire jusqu’à l’ouverture, sur qui va faire quoi et comment ? Et il y avait l’enjeu de bâtir la communication entre nous, parce qu’à 2, c’est facile, on s’appelait toutes les semaines, tous les jours… Mais à 4, il faut mettre en place les outils de communication d’une scop autogérée.
Et c’est là qu’on s’est dit “on a besoin d’aide”. On ne savait pas par quel bout le prendre, on avait la tête dans tellement de sujets, c’était dur de se dégager du temps pour organiser l’animation de ce temps-là. Et on voulait faire ça bien ! Il y avait un enjeu à ce que les nouvelles recrues soient bien accueillies, qu’elles prennent facilement en main le projet du Central Vapeur et qu’elles soient opérationnelles assez vite.
C’est pour ça qu’on a sollicité le Grenade. Maïa Souviron a accepté d’animer un séminaire de 2 jours qui a permis de lancer l’équipe. Ça a été top, ça a vraiment répondu à nos attentes. Maïa a pris en main l’animation des 2 jours : elle a organisé des temps pour qu’on apprenne à se connaître, mais aussi pour transmettre le cœur du projet, visualiser ce qu’il reste à faire sur le montage du lieu.
Pour y aller :
8 cours de Verdun 26400 Crest
Ouverture le mardi 23 juillet.
Horaires : du mardi au samedi, de 10h à minuit.